L'ESCARGOT
A TRAVERS
LE TEMPS

Dernière mise à jour: 08/11/2006

1 - Ses différent
s noms à travers les âges:

Chez les romains, l'escargot se nommait hélice (latin helix) à cause de sa coquille enroulée.
Comme il s'apparente à la limace (latin limax), on le nomme plus tard limaçon. Mais pour qu'il n'y ait pas confusion on dit "limace à coquille", coutume qui subsiste encore dans le midi de la France.
Cette expression un peu longue se transforme en "colimaçon" venant à la fois du latin cocholimax (limaçon à coquille) et du grec: kocklos, coquille.

Au XIVe siècle dans le "Ménagier de Paris" on peut lire "Les limaçons, que l'on dit escargoles" et au XVIe siècle dans "Vie privée d'autrefois de Francklin A.": "Les escargotz sont ....". Au XVIIIe siècle, le dictionnaire pratique du Bon Ménager indique la façon de préparer les escargots qu'il désogne: "insectes à coquille, autrement appelés escargots".

Linné, célèbre naturaliste suédois (1707-1778) étudie le colimaçon de vigne et lui donne le nom de Helix pomatia Linné.
Helix: nom latin.
pomatia: mot grec qui signifie couvercle car le colimaçon se bouche l'hiver.
Linné: nom du naturaliste suédois.

En 1819, le dictionnaire des sciences naturelles, établi par plusieurs professeurs des Jardins du Roy et des principales Ecoles de Paris, indique: Escargot: nom vulgaire de l'helix pamatia Linné".

Trois mots presque identiques: escargoles, escargotz, escargots, ont donc successivement servi à désigner les escargots. Quelle peut être l'origine de ces trois mots ?

Ch. Nisard, dans le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle rapproche le mot escargot du vieux français escargaite ou eschargoite, troupe qui faisait la garde avancée, la grand'garde d'une place, d'un camp et aussi la guérite où se tient la sentinelle. Il signale la gravure suivante de 1410: un chateau-fort flanqué d'un bastion: sur ce bastion, en haut de la tourelle ou escargaite qui le surmonte, un escargot; à gauche, des soldats armés, au milieu desquels est une femme qui brandit une quenouille, menacent l'escargot, tandis que l'animal se dresse sur sa coque de toute sa hauteur, et montre les cornes à l'ennemi qu'il brave avec intrépidité. On lit en haut de la gravure: "Le débat des gens d'armes et une femme contre un lymasson". Au-dessous sont les vers suivants :
LA FEMME A HARDY COURAGE.
    Vuide ce lieu, très-orde beste,
    Qui des vignes les bourgeons mange,
    Soit arbre, ou soit buisson,
    Tu as mangé jusques aux branches.
    De ma quenoüille si tu t'avances,
    Je te donrray tel horion,
    Qu'on l'entendra d'icy à Nantes.

    LES GENS D'ARMES.
    Lymasson, pour tes grands cornes
    Le chasteau ne lairrons d'assaillir,
    Et si pouvons te ferons fuyr
    De ce beau lieu où tu reposes.
    Oncques Lombard ne te mangea
    A telle sauce que nous ferons ;
    Nous te mettrons dans un beau plat
    Au poyvre et aux oignons.
    Serres tes cornes, nous te prions,
    Et nous laisse entrer dedans,
    Autrement nous t'assaudrons De
    nos bastons qui sont tranchans.

    LE LYMASSON.
    Je suis de terrible façon,
    Et si ne suis qu'un Lymasson.
    Ma maison porte sur mon dos,
    Et si ne suis de cher ny d'os.
    J'ai deux cornes dessus ma teste,
    Comme un bœuf qui est grosse beste ;
    De ma maison je suis armé,
    Et de mes cornes embastonné ;
    Si ces gens d'armes là s'approchent,
    Ils en auront sur leurs caboches ;
    Mais je pense en bonne foy
    Qu'ils tremblent de grand peur de moy.


La position qu'occupe l'escargot sur la tour, le langage des soldats qui le somment de les laisser entrer dans le château, la réponse de la bête qui s'y refuse, et menace d'appeler la garnison à la rescousse contre les assaillants, enfin l'organisation particulière de l'escargot qui l'oblige à adhérer fortement aux objets sur lesquels il rampe, et à y rester immobile jusqu'à ce qu'il en soit chassé par la force ou par le besoin, tout indique qu'on a fait jadis du colimaçon l'emblème de la sentinelle de guerre, et que le nom d'escargaite, devenu par corruption escargot, lui en est resté.

Mr Littré ne voit dans la gravure qu'un jeu de mots en image et se rallie à l'opinion de Mr Diez qui conjecture qu'escargot est de la même racine que l'espagnol caracol: tourner. L'escargot serait donc ainsi nommé des contours de sa coquille.
En Wallon, en espagnol, l'escargot se dit encore caracol.

Mr H.Stappers dans son dictionnaire synoptique d'Etymologie française indique: "Escargot est probablement le même mot que caracol augmenté d'un s devenu es". Sur le "Nouveau Dictionnaire Robert" on peut lire: "escargol au XIVe siecle - par croisement avec escarbot au XVIe siècle - ancien provençal: escaragol".

L'origine espagnole semble assez logique: autrefois on parquait des escargots aux environs de La Rochelle. Avant la Révolution, cette région en exportait un nombre prodigieux aux Antilles et plus tard au Sénégal.
Les marins espagnols et portugais venaient s'y ravitailler en petits-gris qu'ils considéraient "comme de la viande fraîche à bord". Ils utilisaient pour ça des tonneaux qui étaient surpeuplés de petit-gris.
Il est donc possible que, surtout par La Rochelle, le mot espagnol caracol se soit introduit en France pour devenir escargot.
Ainsi donc, à travers les âges: hélice, limace à coquille, limaçon, colimaçon, escargot, ont servi à désigner le même mollusque.

A ces noms différents, il faut ajouter quelques expressions locales:
  • Pour le bourgogne: hélice vigneronne, vigneron, escargot vigneron, moucle de vigne, luma, escargot de Bourgogne, gros blanc de Bourgogne, bourgogne, escargot bourgogne, blanc.
  • Pour le petit-gris: hélice chagrine, luma ou limat, tapada (Provence), cagouille (Bordelais, Charente), carago (Marseille), luma (Poitou), cacalau (Provence), cantareu ou caraceu (Niçois), casaraulau (Languedoc), carsaulada ou casalauda (Roussillon), schnaka (Alsace).

2 - Depuis quand mange t-on des escargots ?



Les gastéropodes (du grec gastêr, « estomac » ; pous, « pied »), sont la plus nombreuse des espèces animales après les insectes. On en dénombre environ 40 000. Ils sont apparus voici 600 millions d’années et sont les seuls mollusques à avoir conquis la terre ferme. L’archéologie a démontré que les escargots ont été consommés dans nos régions dès le Mésolithique, vers 10 000 ans av. J.C.

En effet, les hommes préhistoriques en consommaient déjà, on en a la preuve en fouillant les sédiments qui comblent certaines grottes : des restes de coquilles calcinés nous prouvent que dans la région, ils les aimaient déjà grillés !


Dans l’Antiquité, les Grecs et les Romains en étaient très friands. Selon Pline, les gourmets Romains aimaient déguster quelques escargots grillés avec un verre de vin, et c'est l'un d'eux, Fulvius Hirpinus, qui, le premier, eut l'idée de construire de véritables parcs à escargots. C'étaient de vastes enclos, fermés par des murettes de cendre ou de sciure de bois que les escargots ne pouvaient franchir. Dans ces parcs, appelés cochlearia, les escargots, élevés par milliers, attendaient d'avoir atteint une grosseur suffisante pour être consommés. Les Romains établirent des cochlearia dans toutes les provinces conquises, assurant la diffusion des escargots comestibles.
Ils avaient des cochlearia ou élevages d’escargots (Cochleo signifie escargot) dans lesquels ils nourrissaient les petites bêtes de son et de vin.




Au XVIe siècle, un regain de faveur entoure l’escargot qui considéré comme viande maigre, comme les grenouilles et les tortues, trouve sa place sur toutes les tables, et non seulement celles des monastères, en période de carême et de jeunes. Au XVIIe, l’escargot est dédaigné et n’est plus guère consommé qu’en province. AU XIXe, les restaurants parisiens le redécouvre et le popularise à travers la recette « à la bourguignonne » qui va devenir emblématique de la gastronomie française.
En effet, nos mollusques n’acquirent leurs lettres de noblesse culinaire que lorsque Antonin Carême en servit au Tsar de Russie et invita par la même occasion toute la noblesse française à s’y intéresser.

Dans les couvents et monastères, l’escargot était un plat courant durant le carême.




Quelques documents:

L'invasion d'escargots
Légendes de Béziers
L'escargot dans le midi de la France

Sources:
Languefrancaise.net
"Les escargots" de Jean Cadart 
Cafe-geo.net